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Je me souviens du 11 mai, c'était l'année 2000.
La maternité, Armentières.
Je me souviens que ça datait pas de la veille, que ta maman elle avait dû rester allongée longtemps complètement des mois et des mois et qu'on se disait que t'étais vraiment pressée d'arriver.
Je me souviens d'avoir dormi sur le carrelage et que c'est dure toute une nuit un carrelage même à la maternité.
Je me souviens qu'il faisait chaud, que les biberons étaient en verre et que ça sentait bon le sucré.
Je me souviens de tes yeux, de ta peau, du collyre jaune qui te donnait un air de petite indienne.
Je me souviens des copains des copines qu'on appelle pour leur annoncer, Annick, Christophe, d'autres surement, les parents forcément, le Parc Barbieux aussi.
Je me souviens que j'aurai aimé me saouler pour fêter ça mais que je ne l'ai pas fait, que j'ai été marché dans la campagne du côté des Monts, que j'ai chanté aussi dans la maison un peu vide.
Je me souviens que dans la voiture surtoutça tournait à tue tête la chanson de Boogaerts "Tu t'es jamais demandé c'qui l'avait inspiré /A inventer la roue, à la fabriquer / C'qu'il avait imité, avait su mélanger /Fallait être un peu fou pour pouvoir l'inventer /Lune /C'était p't'être la lune /Qu'il avait vue ronde /Qu'il avait vue tourner /Pourquoi pas la décrocher ? " et surtout du refrain "Pédaler, aussi vite que l'éclair /Pédaler, dépasser la frontière /Pédaler, faire le tour de la terre /Pédaler, aussi vite que l'éclair /Pédaler, dépasser la frontière /Pédaler, pour te retrouver"
Je me souviens qu'on se sent très grand et très petit avec ce petit bout de chair à l'arrière de la voiture en route vers notre chez nous, je me souviens de ma main sur la nacelle sanglée sur le siège arrière.
Je me souviens des bains, des biberons qu'on stérilise, des nuits entrecoupées, je me souviens de ton premier sourire, de tes bavoirs, de ta première robe toute blanche et cerises.
Je me souviens qu'avec ton "baby trotte" tu as dévalé l'escalier de la cave et que t'es restée suspendue un petit moment en l'air, comme mon coeur, je me souviens avoir remercié le ciel de t'avoir protégé la tête les mains les jambes et ta petite frimousse.
Je me souviens des petites chaussures vertes et des petits pantalons jaunes.
Je me souviens que t'as pas eu des cheveux tout de suite.
Je me souviens du mercredi, du parc Marguerite Yourcenar, de sa grande maison et du grand chêne, de mes carnets, de la nouvelle que j'ai écrite cette année là, Pluie de plumes.
Je me souviens qu'en famille Tiersen, on se voyait souvent, qu'on avait mis sur la table des bougies en forme d'ours pour ton baptême, qu'on avait manger des frites et bu de la bière.
Je me souviens avoir été fier que tu portes nos deux noms : prum-tiersen.
Je me souviens de toi, assise dans le camion de déménagement. Des cartons tout autour comme des montagnes, minuscule et gigantesques.
Je me souviens de ta nourrisse à Bailleul, de Brigitte aux Rosiers.
Je me souviens que te laisser à l'école au matin, ça me faisait une énOrme boule au ventre, je me souviens qu'une fois j'ai eu envie de t'emmener avec moi à la maison les Romans.
Je me souviens de la mer, des petits matins, des fameux 6 heures, je me souviens que j'ai beaucoup joué au ballon, à la balancelle, à courir, à marcher, à inventer des tas d'histoires.
Je me souviens des imagiers, de la sorcière qui avait perdu ses lunettes, de la planète bizarre où il y a des saucisses qui volent.
Je me souviens que je t'ai appris au mois d’août à déchiffrer les lettres avec Danièle et puis avec Valérie.
Je me souviens que ton frère il prenait de la place et que toi tu devais ne pas te laisser faire, je me souviens que dés fois c'était pas simple mais que tu savais y faire.
Je me souviens de ta joie toujours, de tes airs inquiets aussi, de tes premiers échanges au tennis avec les grosses balles en mousse, de ta volonté, de ton attention, ta précision, de ta gentillesse.
Je me souviens que t'as été grande, je me souviens que ça a pas duré et que parfois ça a pu te désoler.
Je me souviens qu'on est allé une fois aux urgences pour une branche qui griffe un oeil et une autre fois chez un endocrinien parce que tu poussais la vie trop vite.
Je me souviens des anniversaires avec toute la smala d'amis dans le jardin, dans la maison, des grandes tablées, des jeux, de la guitare, des jeux de pistes avec des bouteilles de lait.
Je me souviens du mouvement de la hanche, de la danse cornemuse, des batailles de boules de neige.
Je me souviens que tu te faisais souvent discrète, qu'à l'école, t'étais la meilleure amie du monde.
Je me souviens qu'au Poétique en 2007, t'as rencontré celle qui est encore ta meilleure amie, Lyla.
Je me souviens que cette année là, je suis tombé follement amoureux d'une femme.
Je me souviens de tes matchs de tennis, de mes frayeurs, de mes joies pour toi, de mon admiration, de mes paris de victoire, du petit whisky qu'on prend pour pas geler lors de la baignade en mer.
Je me souviens de nous à la maison du Thoureil, du froid, de la cheminée, de nos marches en campagne, de nos parties de foot.
Je me souviens de plein d'anniversaires à la maison de la Chesnaye tout en finesse, du japon, de l'Angleterre, de petits bouts de Noël en garde alternée, au mal de ventre ce que ça fait.
Je me souviens t'avoir emmené au brevet des collèges, comme un père emmène sa fille.
Je me souviens de toi en formation pompier, de ton désarroi, de ton courage, de ta joie d'y arriver.
Je me souviens que t'as bossé dur le code et que tu l'as eu.
Je me souviens la première fois dans la voiture avec toi qui conduis.
Je me souviens de la montagne avec toi, de la mer avec toi, de tes premières vacances sans nous en Espagne et parapente.
Je me souviens qu'hier on a fait ensemble une vingtaine de longueurs à la piscine de Saumur, que j'ai peiné plus que toi et qu'ensuite à la mediathèque tu as pris un Dr House et un Maupassant.
Je me souviens qu'hier tu as dit que le 11 mai 2000, ça sonnait bien et que t'étais contente d'être née ce jour là.
Je me souviens m'être dit que j'étais content aussi.
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