Photo immemory 2008
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"Constituer des lieux,
Des lieux abrupts et pourtant praticables
Des lieux rapides mais qui savent se faire immobiles
Des lieux d’une extrême exigence mais aussi d’une folle légèreté
Où quelque chose commence à grandir
Commencer à parcourir la forêt, à entrer en forêt, c’est quitter tout un ordre
L’ordre des chiffres, des mesures, des lois gravées dans le sol
Faire consister une force commune, se tenir ensemble
Des racines dans le ciel et le vent qui nous portent
S’ancrer, oui
Se propager, oui
Êtres forêts
Nous en avons plus qu’assez du monde de l’économie et des ingénieurs
Nous lui préférons un tout autre espace
Il y a de la forêt partout, partout où de l’hétéroclite surgit, nouveaux sauvages, aux gestes élancés vers un dehors désirable
Se dresser, faire relais, dans un même mouvement
Qu’on se le dise, la forêt n’est pas un gisement de biomasse, une réserve de biosphère, un puits de carbone, c’est un rapport au monde
Et si dans les esprits ressurgissent les Communes, tout un peuple des forêts, ce n’est pas pour être fantasmés mais pour exercer une mémoire opérante, affûtée pour le présent
Quant aux prêtres de la Civilisation, ceux-là mêmes qui voudraient venir nous donner des leçons d’écologie de cabine, nous n’embarquerons pas dans leur « vaisseau spatial terre »
Nous ne nous laisserons plus gouverner
Nous sommes la forêt qui se défend"
Jean-Baptiste Vidalou
« Être Forêts – Habiter des territoires en lutte », 2017 Editions La Découverte, pp.196-197