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https://laurentprum.typepad.com/mon-blog/page/8/
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"Lorsqu'une seule couleur fait le tableau, que les autres s'effacent jusqu'à l'oubli ; et si pour mieux signifier la décision, cette couleur élue est le noir alors la peinture règne nécessairement, organiquement, sous l'influence du monde visible, de sa substance et de son climat. La perspective des choses définitivement disparues, l'oeuvre se présente d'égal à égal avec le dessin du monde. La peinture n'est plus simple objet du dehors, un sujet de contemplation rival du réel, mais un lieu distinct et unique dont l'essence véritable ne se rapporte qu'à elle-même"
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"Comment venir au "noir" sans l'offenser, sans l'affaiblir ou le trahir avec des mots ? Comment venir au noir sans le détourner de son état de matière, sans l'opposer trop facilement, à son contraire, à son revers ? Ou, si l'on préfère, comment atteindre ce point essentiel, inaltérable, et comme d'un seul battant ? Couleur indomptable et sans bord dont j'ignore la part réversible, la puissance de son cours et ses méandres. Je ne vois que sa totalité qui m'absorbe et me dépasse.
Dans notre perception ordinaire des choses, l'inconnu, l'inconnaissable, s'allie souvent aux ombres et à l'obscur. J'obéis à cette idée commune? Je dois donc me tenir là, patient, droit comme s'il me fallait franchir un seuil : le seuil d'un autre monde.
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Enfin libéré de la masse et du contour ; de la forme apprise et reconnue, je dois désormais me glisser derrière l'objet, me consacrer à l'invisible de la face cachée"
Pierre Soulages. Trois lumières.
Editions Verdier Poche.