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Photographies : Anne Rearik.
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"Si l’humain a un sens, il le trouve dans l’appel que me lance le visage de l’Autre.
Si le visage a un rapport à la vision, il est pourtant ce qui toujours déborde la représentation, la “chosification” comme dit Sartre, qu’opère le regard. «C’est lorsque vous voyez un nez, des yeux un front, un menton, et que vous pouvez les décrire, que vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleur façon de ne pas rencontrer autrui, c’est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux!» écrit Lévinas.
Le visage et la parole de l’autre, sa présence irréductible à une idée, me mettent en demeure de répondre, de sorte que même ne pas lui répondre est encore une réponse.
Pas de moralisme ici, être responsable, c’est être vraiment en relation à l’autre.
Le visage de l’autre éveille le moi à son unicité d’être irremplaçable: ce n’est pas par son effort pour persévérer dans son être que l’homme s’affirme comme tel, au contraire, ce faisant il reste toujours dans la logique de l’espèce, où il est lui-même substituable à n’importe quel autre. Le “je” n’existe vraiment qu’en répondant au “tu” qui le questionne.
Mais en même temps qu’il me fait accéder à la subjectivité, le visage de l’Autre me met en question dans mon être même: en disant “je”, j’ai aussi à répondre de mon droit d’être. Tous les vivants s’obstinent à être sans que cela ne leur pose le moindre problème, alors que pour un homme, la présence d’un autre homme met implicitement son être en question."