Je connais pas ton nom, seulement ton regard. Et le nom de ton pays : Afghanistan.
Tu n’as probablement pas 18 ans. Mais France Terre d’Asile a décidé du contraire. Tu es donc à la rue, Paris ville monde, après bien des kilomètres parcourus. Je connais pas ton nom mais tu as accepté que je t’accompagne, que je te prenne en photo, sans pouvoir se parler, barrière de la langue.
Utopia 56, c’est le nom de l’asso qui vient à ton secours. Pour ne pas que tu dormes dehors, pour pas que tu sois isolé, abandonné. Main tendue, repas chaud, une tente en secours, traversée de Paris en métro, pas de sourire, l’océan est loin.
Un camps sous le Pont Mandela, voilà ton logis de misère.
La municipalité d’Ivry a crié secours. La mise à l’abri ne se fait pas. Les tentes s’agglutinent. Feu de fortune à même le sol, feux des voitures à toute allure frôle les corps.
Cette nuit, je te laisse là.
Demain, peut-être te retrouver.
Merci à Luc, à Thomas, à Aurel, à Alice et Laureen d’Utopia.
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Le contexte précis : ici
La parole soutenante du maire d'Ivry : ici
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"La vie et la mort, la souffrance et la joie, les
ampoules des pieds meurtris, le jasmin derrière
la maison, les persécutions, les atrocités sans nombre,
tout, tout est en moi et forme un ensemble puissant
; je l’accepte comme un totalité indivisible et
je commence à comprendre de mieux en mieux
pour mon propre usage, sans pouvoir encore
l’expliquer à d’autres, la logique de cette totalité ;
je voudrais vivre longtemps pour être un jour
en mesure de l’expliquer…
J’ai réglé mes comptes avec la vie, je veux dire :
l’éventualité de la mort est intégrée à ma vie ;
regarder la mort en face et l’accepter comme
une partie intégrante de la vie,
c’est élargir cette vie. A l’inverse, sacrifier dès maintenant
à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort
et refus de l’accepter, c’est le meilleur moyen
de ne garder qu’un pauvre petit bout de vie mutilée
méritant à peine le nom de vie."
Etty Hillesum