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Elle s’appelle Ninon, elle vit à Bruxelles mais elle est surtout sur la route. Parce qu’elle dessine. Elle dessine, découpe, crée, invente.
Mais ce qu’elle fait surtout en vrai, c’est qu’elle fait dessiner, qu’elle permet que ça dessine, que ça raconte.
Et depuis deux ans, elle fait ça « In situ » ici et là : Briançon, Marseille, etc.
C’est qu’après avoir mener des ateliers avec « des enfants de riches » à Bruxelles, elle découvre combien pour des jeunes exilés, des « sans papiers », le dessin permet une expression « existentielle », et ça, - je crois comprendre - : ça la bouleverse. Riche de cette « révélation », elle se lance de plein pied dans l’expérience et décide en parallèle de mener une recherche à ce propos (un mémoire de master de sociologie) en proposant à des lieux alternatifs oeuvrant au service des exilés, ces ateliers.
Et si les exilés ont souvent besoin de raconter leur voyage, leur exil, Ninon elle, leur offre de poser avec dessins, mots, coupages-collages, d’autres choses encore.
L’hospitalité, les émotions du moment, ce qui les protège…
Comment par le dessin, construire un lieu, un nouveau lieu et l’habiter pour se sentir à nouveau exister.
Moi quand je passe par là, dans la grande salle du refuge à la frontière franco-italienne,
ce que je vois surtout c’est pas Ninon, c’est eux. Des exilés et des militants.
Eux concentrés, eux partageant. Eux penchés sur leurs productions, des crayons tout autour.
Eux qui tchatchent, eux taiseux. Eux exilés, eux militants. Et ça fait comme une respiration : inspirer je me concentre, expirer je vous montre. Alors dans la grande salle un peu froide, c’est comme l’oeuvre d’un poumon, d’un coeur névralgique. Les formes que cela peut revêtir, elles sont diverses. « Dessiner est si simple mais va tellement chercher à la racine ».
Alors toutes ces créations, on le sent bien, participent à générer un élan vital, quelque chose qui relie, à soi, à l’autre, etc. Une manière de se comprendre, de se donner à voir.
Moi aussi, j’ai essayé un peu. Carte du monde déplié où j’ai imaginé me promener encore.
A la fin de la séance, chacun repart avec sa production photographiée. Et ces dessins sont comme des opalines-souvenirs : combien de vies a t-on vécu ? Et combien d’histoires inconnus, de rêves encore à accomplir ? Des sèves, des épidermes, l’ombre suintante, ou l’horizon du désir.
Dans nos dessins, il y a toujours un peu de ce monde vibrant, là.