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Cimetière de Calais. MAI 2022.
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"Ma cousine était éthiopienne. A 16 ans, elle est morte écrasée, tuée par les essieux d'une frontière.
Mon voisin était syrien. A 52 ans, il est mort noyé, tué par un bateau de frontière.
Ma soeur était mexicaine. A 36 ans, elle est morte d'épuisement, tuée par le désert de la frontière.
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Ces femmes, ces hommes sont,comme nous, les enfants du monde, pas eu le temps de les connaitr. De les aimer ou de les détester.
Les frontières les ont tués avant qu'on puisse se rencontrer.
Les fabricants de frontières les ont tués.
Car les fronyières se fabriquent
Dans des bureaux, dans des usines à barbelés.
Elles se fabriquent là où on fabrique la peur et la haine.
Les frontières, on nous les dit naturelles, culturelles, linguistiques, religieuses, administratives, obligatoires. On les dit vitales.
Et elles tuent.
On nous les fait apprendre par coeur sur les bancs de l'école. On nous apprend ce que nous sommes et on nous apprend que les autres, celles et ceux qui sont de l'autre côté de nos frontières ne sont pas comme nous.
Mais qui est comme moi? Qui est comme chacun et chacune d'entre nous?
Et si il n'y a personne, si chacune et chacun d'entre nous est unique, où se trouve donc la frontière?
Les frontières se fabriquent. On nous les fabrique. Et elles tuent.
En nos noms à nous qui, par hasard, sommes du bon côté. Elles tuent pour nous prtéger dit- on. Elles tuent celles et ceux que l'on voient parcequ'ils meurent sous nos yeux, sur nos autoroutes et dans nos ports.
Mais elles tuent chaque jour, invisiblement et inlassablement, dans les déserts et les montagnes, dans des bateaux plus éloignés des côtes, sur des routes et dans des cellules plus discrètes.
Elles tuent par armes à feu, elles torturent, elles noient, elles assoiffent et elles épuisent, elles rendent fou. En nos noms, pour nous protéger, nous dit-on.
N'acceptons plus cela.
Refusons qu'en nos noms, pour notre sécurité, des gens puissent mourir par défaut d'identité.
Tuons les frontières assassines.
Tuons les en nos têtes, désaprenons les frontières. Déchirons les voiles de territoires, de langues, de religions et d'identité qu'on a posé sur nos yeux.
Regardons les autres comme ils sont, comme nous sommes : des enfants du monde.
Réagisssons, écrivons aux resonsables politiques qui décident en nos noms, manifestons notre désaccord à chaque fois que les frontières tuent. Regardons les autres comme ils sont, comme nous sommes : des enfants de ce monde."
Nan Suel "Terre d'errance", cérémonie en hommages aux 800 victimes du naufrages du 18 avril 2015