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Ces trois femmes dorment cette nuit dehors à Calais.
Ou peut-être à la gare.
Il fait froid.
L'une d'entre elle porte un bébé, 7 mois.
Elles ont tenté le passage pour l'Angleterre la nuit dernière.
En mer et le danger.
Nouvel échec. C'était la troisième fois.
Elles viennent d'Érythrée, ont vécu quelques temps en Ethiopie, puis en Turquie.
Chassées de partout, l'espoir d'une vie meilleure.
Et cet espoir est sourire et c'est ça qu'elles jouent à m'offrir.
L'association Osmose 62 porte secours le temps d'un après-midi.
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Un train, un bus, une autre gare.
Des appels et puis rien.
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Vous avez vous déjà laissé quelqu'un dormir dehors ?
Ce soir, j'ai le souffle court, et le sentiment d'une grande défaite.
Demain, leur trouver un abri plus décent va m'être indispensable.
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Rédigé à 23h55 | Lien permanent
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C'est dimanche.
Je pars tôt, de chez moi, laisse la Loire et ses airs d'iris.
Boulogne sur mer, il est tout juste quatorze heure.
Eux, les volontaires sont sur le terrain, dans les dunes, à la gare, depuis la fin de la nuit.
Ils sont debout encore, ventres vides, mains tendues, thermos rechargés à multiples reprises.
L'association Osmose 62 oeuvre avec une présence apaisante.
Il y a Olivier, Dany, Sophie, Nadia, Eric, Brigitte, Aline...
C'est qu'avec une journée en mer plus calme, les traversées pour l'Angleterre ont repris.
Et avec ces traversées, les naufrages, les rescapées, les empêchés.
Chaussure et pantalon détrempés, quelques blessures ici ou là.
Fatigue immense et les sourires pour l'aide apportée.
Car ici on porte secours.
On récupère l'humanité à la petite cuillère.
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Me voilà à nouveau dans la tourmente, le coeur en miette, avec la nécessité de témoigner, encore.
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Et ce midi, un reportage sur France 2 évoque leur travail, leur engagement.
Cela leur vaut un appel d'un téléspectateur et de lourdes invectives : "vous avez pas besoin d'aider ces gens, ce que vous faites, c'est n'importe quoi"
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A la gare de Boulogne sur mer, ce matin, il était plus de 150 échoués.
Cet après midi, encore d'autres, 150 au moins.
Le sol est froid, pied nus sans semelle
Des familles, des enfants.
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Après quelques heures, d'un ballet étrange où il s'agit d'amener à chacun
de la chaleur, quelques habits, un conseil, un mot gentil.
Quémander une mise à l'abri notamment pour les femmes et enfants.
Quémander pour ne rien avoir.
Alors amener à chacun, lui amener ce qu'il faut de présence afin le départ
le départ à nouveau vers le campement, Calais, Dunkerque.
Retour, recommencement, Sisyphe sans cesse, la montagne est haute, la plaine bien triste.
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Car après quelques heures, il est temps de monter dans le train
Et faire ça, malgré la réticence, le refus, l'empêchement du contrôleur.
Bah oui allons-y, monsieur le contrôleur, empêchez les de monter dans le train, surtout.
Après un naufrage, on vous propose de rester à quai et de dormir sur le sol de la gare, bien sûr monsieur le contrôleur.
Et monsieur le contrôleur, eux c'est nous, eux c'est vous.
Alors vous allez devoir céder à ce qui vient, monsieur le contrôleur.
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Ensuite c'est le départ.
Les coeurs qu'on fait avec les doigts.
Minuscule étoile dans les ténèbres.
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Rédigé à 23h07 | Lien permanent
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C'était il y a 20 ans.
C'était il y a quelques semaines.
En 2003, on me propose d'être adjoint de direction d'un lieu d'hébergement pour personnes polyhandicapées.
En ces jours là, on danse déjà un peu, on crée comme on peut, on avance avec chacun, partant de là, où chacun est.
Cesser de se méfier du sol, la gravité la mettre de côté.
Pendant 4 ans, j'oeuvre ainsi, au plus prés de chacun, je garde sauvage, je garde franc, je suis pourtant un enfant.
Je retrouve 20 ans plus tard, les uns les autres.
Je suis moins sage encore, fort heureusement.
Ce jour là, un anniversaire partagé, des partages...
Et un retour spectacle danse pour un moment hors pesanteur.
Merci aux résidents de la Maison Les Romans à Saumur, bravo aux soignants.
Rédigé à 18h05 | Lien permanent