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Lors de notre première rencontre, Pierre m’a tendu son téléphone.
Sur son fond d’écran, la photo d’une rose rouge déposée dans la boue d’un campement.
Une rose rouge déposée le jour du décès de Halo. C’était il y a un an.
Il y a un an, jour pour jour, ce jeune exilé kurdes qui n’avait pas trente ans, a reçu une balle dans la tête.
Une balle qui ne lui était manifestement pas destinée.
Une histoire de bateau, de dettes, de passeur. Dans la nuit, un coup de feu retentit. Une couverture verte tachée de sang.
Le lendemain, toute la communauté se réunit, on se prend dans les bras, Halo vient d’être tué.
Aujourd'hui, Pierre et Pascaline marchent sur les lieux de ce drame pour rendre hommage à cet homme. Pierre retrouve les photos, cherche l’emplacement. - On se met là, mais non c’était pas si loin - La pluie fouette les visages. Pascaline a acheté une rose blanche. Pierre dégage avec le pied des restes de feu, quelques conserves rouillées. Pascaline cherche un briquet. Le vent ne cesse d’éteindre les bougies. Pierre crée un petit parapet en bloc polystyrène. Trois flammes tremblantes. Une musique triste. Pascaline se souvient : “En fait, Halo venait tous les soirs. Tous les soirs à chaque fois qu’on distribuait. On distribuait là-bas et quand il nous voyait, il arrivait. Il restait pendant toute la distribution, il ne demandait pas qu’on lui donne quelque chose et il était toujours le dernier à partir Quand on lui serrait la main, il gardait sa main dans la notre pendant quelques secondes. Puis il partait. Iil faisait ça tout l' temps, tout l' temps, tous les jours. Et puis un matin, on a appris sa mort”
Tout ne peut pas s’effacer. Cette rose, elle va rester là un long moment. Pierre et Pascaline le savent et les gars du camp tout autour, le savent aussi. En attendant, certains jouent au cricket, observant de loin la scène, d’autres refont les noeuds des tentes et chassent les rats. Le téléphone de Pascaline sonne : “Oui, j’arrive, oui j’ai un peu de pantalon propre, si tu veux”. Pierre remet son camion en marche.
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