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Oui, chacun tente quand il témoigne de montrer la vérité (mot détestable quand il a les reflets de la manipulation ou de la propagande).
Mais la vérité ne suffit pas, la preuve non plus. Ce qui peut vraiment faire la différence, c'est le temps.
La vérité instantanée fait l'effet d'un caillou dans la bouche, qui apaise, rassasie, transforme le vide en plein. La vérité durable est une recherche et le temps est le seul remède qui permette une prise de conscience.
Témoigner, dénoncer doit s'inscrire dans le temps, qui n'est pas le simple écoulement du temps mais aussi et surtout l'espace dans lequel la vérité peut s'enraciner.
Témoigner, c'est espérer qu'un jour la tragédie que nous racontons n'en soit plus une.
Témoigner, c'est permettre la rencontre, car nous saisissons nous photographes, des personnes dans l'instant de leur plus grande fragilité. Si ces personnes n'ont pas honte, c'est parce qu'elles n'ont pas le choix, parce qu'elle ne peuvent que pleurer, fuir et crier. Et qu'il n'y a pas de place pour la honte.
Les photographies sont le témoignage de tout cela.
Hier, à la Commémor-action, c'est bien à cet endroit encore que j'ai senti ce qui se jouait pour moi et combien je devais continuer.
Etre sur ce territoire et y revenir encore et encore.
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