(4.fin)
Empêchés par les forces de l’ordre, ils n’ont pas réussi à rejoindre cette « plage de l’embarquement ».
Elle et ses quatre enfants.
Après la nuit dans les dunes, le silence, la nuit comme un voile noir, les craquements, le chemin à trouver et cet enfant à naître dans le ventre, une pression telle, juste une main pour soutenir, le coeur vibre, le sang court, ne pas penser de trop, surtout.
Après cette nouvelle tentative, le repli sur la falaise, se poser au sol, des activistes arrivées sur place sont au petit soin.
Du café, des gâteaux et des bras pour réconfort, des peluches qui donnent sourire, et la voiture dans laquelle on grimpe, allez on fait semblant d’avoir des ailes, on file en Angleterre.
Quelques heures plus tard, pourtant la douleur du ventre est déchirante.
De la gare, il faut joindre les pompiers, quelques heures à l’hôpital pour être rassurée.
Puis trouver un abri dans une famille hébergeante, la nécessité fait solidarité.
Parce que toujours sur la route de l’exil, on est poussé dehors, balancé de lieux en lieux, boule de flipper. Pourtant ce soir, un temps durant, dans l’épuisement du jour, trouver un toit est réconfort.
Le sommeil est de plomb dans les lits de la maison douillette. Même si l’attente d’un éventuel nouveau passage crée tension.
Tu as dû poser ton téléphone au plus prés. Mais cette fois, le bateau n’atteindra pas la plage et le départ annoncé est annulé.
Au matin, je me pose avec vous le temps d’un café et de quelques photos.
Sont vivants les enfants, sont vivants les enfants qui ont connus pourtant déchirements, chagrins et pertes.
Il a fallu quitter la Syrie en guerre et croire à une vie installée dans un autre pays d’Europe.
Mais l’insécurité gangrène et gagne parfois, et il faut repartir. Avec les accords de Dublin, le choix n'est pas, alors ce sera l’Angleterre.
Sont vivants les enfants car c’est vivre cela : le partage de la joie.
Parce qu'ils ont soif de jeux de rire et de pirouettes, ils ont soif de bonbons et de danse, de chants et de bonnes fausses manières.
On se laisse tirer le portrait, on prend la pose, on tire la langue, on fait le beau et des tas de manières, on essaye l’appareil photo, on veut plus tout le temps.
On s’amuse, on défait les lacets, on grimpe le long des pentes.
L’espoir désespéré de vivre contre les vents mauvais.
Au sommet de la vie, j’ai rencontré ce matin là, ce qui retardera mon hiver.
("L'espoir désespéré de vivre", titre de cette note, est une phrase empruntée à un poème de Jean Pierre Siméon. Levez vous du tombeau)
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