Immemory

Garder courage

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"On peut faire quoi d'autre ? On est là, on essaye encore et encore. On est usé, on s'use. Mais je ne peux pas me dire que je ne vais pas y arriver. Aidez-moi à ne pas lâcher"

Des vies en vrai

Une fenêtre météo clémente et c'est prés de 1000 personnes qui réussissent la traversée pour l'Angleterre.
Le week end dernier, certains ont pris la mer et y sont parvenus, d'autres ont échoué, rescapés de peu.
Huit personnes elles, ont perdu la vie.

Sur la commune d'Ambleteuse, j'ai assisté pendant une partie de la nuit, à ces départs en mer, bateaux surchargés, j'ai observé le manège des forces de l'ordre, j'ai croisé quelques uns de ces rescapés, j'ai pris avec certain un peu de temps, regard fuyant, air défait, colère aussi.

L'un d'entre eux me dit : "Nous ne nous attendions pas qu'une telle chose se produise. C'est très difficile et pour de vrai terrible. Physiquement, psychologiquement. Je n'avais jamais approcher la mort de si prés. Il est impossible d'oublier ça pour le reste de ma vie. Maintenant, j'espère que les choses irons mieux"

Dans ce partage du sensible, chacun des témoins, chacun des activistes côtoient ces vies en vrai.
Et restitue ces rencontres, pour que ces vies importent, pour que ces vies comptent.

Les jours qui ont suivi, je suis resté sidéré, atterré.

Pas envie de faire le même laïus parce que l'impuissance épuise les mots. Alors faire comment ?

Imaginer qu'il est possible de trouver d'autres formes pour dire mieux encore leur combat, leur courage obstiné et leurs douleurs.

Tenir debout et avancer, encore.

Il faut être avec ceux qui se taisent ou qui sont réduits au silence.

 

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Douze personnes sont mortes. Parmi elles, dix femmes.
Mortes noyées. Une embarcation qui se disloquent.
Des personnes sur la route de l'exil, vers l'Angleterre.
Dix femmes mortes, et maintenant
des maris-veufs, des enfants-orphelins, des parents-défaits et des frères et soeurs, des amis inconsolables.
Dix femmes, leurs visages, leurs mains, leurs espoirs d'une autre vie : ce qui n'est plus.
Elles ont fui l'Érythrée. Elles sont mortes dans la Manche.

Hier, j'ai croisé le frère d'une de ces femmes.
Hier, j'ai croisé la détresse.

Hier, des habitants de Boulogne sur mer
avec des craies de couleurs ont dessiné des coeurs
et sur les quais, ont allumé des feux pour faire mémoire.

Ce qui est petit est, pour de vrai
immense.

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D'autres photos ici :

 

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" Ce monde est sale de bêtise, d'injustice et de violence ; à mon avis, le poète ne doit pas répondre par une salve de rêves ou un enchantement de langue.
Il n'y a pas à oublier, fuir ou se divertir. Il faut être avec ceux qui se taisent ou qui sont réduits au silence.

J'écris donc à partir de ce qui reste vivant dans la défaite et le futur comme fermé.
S'il n'est pas facile d'écrire sans illusion, il serait encore moins simple de cesser et supporter en silence. "

Antoine Emaz