Immemory

J’ai vu et toi surtout…

 

J’ai vu leurs sourires et leur joie, eux sur la mer vers l’Angleterre. Une vidéo bruyante et brouillonne sur des notes de bleu.

Puis la panne, le moteur qui lâche. Le désarroi. La colère un peu. L’inquiétude qui monte. Grimper dans le bateau de sauvetage aux aguets qui les suit. Protection nécessaire.

Puis le débarquement sur le port de Boulogne sur mer. Et l’aide le soutien qui s’arrêtent là. Ensuite c’est l’attente, la marche vers la gare, quatre kilomètres. Utopia 56 apporte un soutien logistique, nourriture et informations. Un collectif assure quelques transports. On échange sur ce qui s’est passé, sur les jours à venir. Ahmed veut faire des photos, il me prend l’appareil et le garde un moment. Il s’agit de saisir ce qui peut l’être. Les copains, un monticule de terre, la route, une éolienne sans hélice.

 

 

Cela tient à rien. Cela tient à un geste, la main, le regard, un moment presque immobile, le soleil fiévreux.

Cela tient à rien. Cela tient à un geste, la main, le regard, un moment presque immobile, le soleil fiévreux.

Un départ de small boat en direction de l'Angleterre. 

Un moteur qui patine, les cris, l'ampleur du moment.

Quelques personnes qui ne parviennent pas à monter. L'embarcation s'enlise. Les forces de l'ordre, la protection civile aux aguets, présents, attentifs.

De mon côté, Je veille, j'observe, me tiens là, de la gorge aux chevilles. 

Un collectif de citoyens n'est pas loin, prêt pour aider.

Trois personnes ne monteront pas cette fois. 

Et lui, qui bringuebale, avant que tout ne s'efface, part au loin, partout, et pourtant encore un peu là. Je reste à ses côtés. 

Il est syrien et eux l'emmènent tambour battant, afin d'être mis à l'abri.

"Ma mémoire n'est pas éteinte mais trouée par les passages de frontières"

 

Ambleteuse. Nord Littoral. 

Vendredi 11 avril. 16H00

Nous sommes très obéissants, à garder dans le corps, tous ces moments terribles, vus entendus un soir ou un matin, le temps d'un après midi. Sur la route de l'exil, au risque du naufrage, nous sommes les témoins défaits.

 

Reliance

...

Gare d'Hardelot. Ce village côtier plutôt huppé.
Ils ont marché jusque là.
Après leur tentative de traversée au tout petit matin,
eux, repoussés par les autorités
dans l'eau avec eux pour empêcher le bateau de partir.
PUSHBACK.
Des personnes qui viennent d'Irak, d'Egypte, du Soudan, d'Érythrée.
Une tentative de traversée, les corps sont mouillés, détrempés.
C'est que le froid est là malgré le printemps, le froid comme morsure, et ce nouvel échec.
Quelques couvertures, un peu de thé, un soutien des forces de l'ordre
Un biberon à réchauffer, un enfant, un feu qui fume plus qu'il ne réchauffe,
du thé encore et des tartines confiture figue.
Des échanges rapides. Des sourires nombreux, des remerciements et la fatigue.