Immemory

Frigorifié.es.

 

...

...

Plein de gens dans l'eau tout habillé.
Parce que l'embarcation fragile, bousculée.
Parce qu'on pense qu'ils ne doivent pas partir
Qui sont ils ? Pour être inconsidéré à ce point ?
Inconscients probablement pas. Obligés probablement.
Aujourd'hui encore, un naufrage de plus, un naufrage de trop
Détrempé jusqu'à l'os, ça tremble de partout
la peur aussi qui vrille.

Jour aprés jour
les même scènes ont lieu.

Exilés, naufragés en route vers l'Angleterre
Réduits, bousculés, empêchés
Au commande de leur vie pourtant, en conscience
Invisibles sur nos côtés, sur nos plages
Invisibles dans leur détresse
Invisibles dans leur campement
Et trop visible pourtant sous le feu des projecteurs
Et des projections lacrymo.

Ce jour encore, la guerre est sans pitié.

...

Ce moment comme un autre ici à Hardelot plage :

Click ci dessous :

 

"Quelles que soient les circonstances, un enfant ne saurait naître en dehors de l'enfance"

 

 

aux grands yeux 
aux yeux qui se mouillent 
aux yeux fatigués

une embarcation qui manque de couler
une cinquantaine de personnes 
retournée.

Et cette famille
amenée par des citoyens à la gare de BOULOGNE SUR MER.

Une proposition d'hébergement solidaire
et finalement une conduite pour être raccompagné vers le camps de Loon Plage.

Leur monde, c'est eux.

"En Relation, personne ne saurait ni ne pourrait décevoir personne.
L'aide reçue ne saurait empri- sonner dans un rêve quelconque, et le migrant n'emportera pas ceux qui l'accueillent dans les siens.
Deleuze craignait d'être embringué dans les rêves de quelqu'un.
De fait, les rêves génèrent parfois des absolus qui peuvent être meurtriers.
Le migrant pourra aller venir rester partir disparaître revenir survivre ou vivre dans le labyrinthe de ses rêves demeurés insondables.
Le café offert, le soin dont il est le sujet l'aideront à dynamiser autant son devenir que celui de l'aidant.

L'accueil ici n'est pas seulement un don.

Il est une des modalités du juste-vivre au monde."

Frères migrants. Patrick Chamoiseau.

 

1. Voir les belles analyses de Michel Agier, Les Migrants et Nous. Comprendre Babel, CNRS Éditions, 2016.

 

Car nous aimons la vie...

...
Il faudrait de ma part, du silence d'abord.
Pour laisser place.

En vrai, je ne sais pas si on peut tout se dire,
vraiment se dire dans ces moments là.
Alors on va faire comme si, l'un et l'autre
Parce que tu viens de vivre un naufrage, que t'étais dans un bateau qui prenait l'eau
Et que là, tu as marché pour rejoindre, trois kilomètres plus loin, la gare.
Et que tu repars pour les campements puis d'autres tentatives.
Alors on a parlé du Senegal et puis d'autres traversées.
On a parlé des plats traditionnels et tu as ri

 Car nous aimons la vie, disait Mahmoud Darwich, pour peu que nous en ayons les moyens. »

 

Manifeste

...

Je me pose à tes côtés. 
C'est toi qui m'invite à venir ainsi face à toi.
Nous sommes à la gare de BOULOGNE SUR MER.
Tu parles bien le français. Il y a une douce mélodie qui roule dans tes mots. 
Tu viens d'Afghanistan. Voilà 10 ans pourtant qu'en France, tu ne parviens pas à obtenir "le droit de rester"
"Je comprends pas, je comprends pas" tu me répètes ça plusieurs fois. 
"Je peux pas retourner là bas, c'est évident, mais rester c'est pas possible, je fais comment ?"

Tu me parles de Lorient, de son port et des gens qui t'ont aidé.
A certain tu n'as pas dit que tu avais décidé de partir en Angleterre.
"Etre quelqu'un, à nouveau quelqu'un"

Aujourd'hui, l'embarcation a pris l'eau, la panique, la peur, les secours sont venus,
puis ils t'ont laissé au port avec d'autres.
Hagards.
Aujourd'hui, tu repars vers les campements avant une nouvelle tentative.
"Je tiens debout, j'avance, je n'ai pas d'autres choix"

C'est un jour de printemps, un jour férié.
Je ne peux pas écrire qu'ici tout va bien.

 

Même perdus, même aprés.

 

Retour au port.
On dit ça comme ça.
Hier, le bateau qui cède peu à peu en pleine mer.

"J'ai vu la mort de prés"

Ils sont une cinquantaine de personnes. Une famille, un enfant. Une femme isolée.
Ils viennent d'Afghanistan, Iran, Irak, Sénégal...
Certains ont déjà passé du temps en Europe.
Mais ce jour, cette traversée, comme un péril.

Retour au port.
Puis laissés au port.

Naufragés, vous allez devoir marcher, trois kilomètres pour rejoindre le centre de la ville.
Naufragés, abandonnés à votre sort.

Laissés sur le bas-côté.

Quelques citoyens se mobilisent pour "limiter la casse"
Assurer des conduites vers la gare.

Violence institutionnel versus Mobilisation citoyenne.

...

 

 

 

La vie buissonière

...

Faut sortir les bulles.
Dans ces moments là.

De même qu'il existe une lutte 
par les mots

parfois rien faire de plus que 
ça, souffler juste ce qu'il faut
pour voir apparaître...

Dans l'épreuve du déracinement
Dans le bruit que ça fait un bateau crevé

Elle dira :

"in the water, in the water, pufff bam

bam... Oh my god !"

 

Il reste ce coin rêvé là.
On attend le bus
Qui ne viendra pas.

Le ciel lui, les aspire vers le haut.

Et on continue
avec ceux qui vivent

parce qu'il n'y a rien d'autre.

 

///

Merci Sylvie pour ce moment suspendu.

 

Alors l'effroi : l'affronter.

...

Je suis resté là calmement.
Et tu as raconté cette histoire.

Sur la plage, ce qui doit se faire
la traversée.
Et pourtant, le bateau est surchargé, on vient de partout.
On monte comme on peut.
Et la police qui veille, balance des bombes.
Qui étourdissent.
Et toi tu ne porteras pas plainte.

Il faut pourtant qu'on parle de ça.
Pas des volcans.
Pas des naufrages.
Mais de ce que ça fait d'être empêché.

 

Le grondement des pas

...

Ce moment là.
Ce moment où le bateau échoué sur le rivage.
Et eux, et nous, et eux c'est nous mais si peu.
On remonte le long de la plage. 
Personne pour la fouler plus fort.
Trés peu de mots.
Se taire.
Pour nous donner de la lumière colère.
Meurs debout, cris debout, avance.
Ce matin à Wimereux, ce long cortège nous a mis le coeur
à l'envers.

Mais l'inhumanité est ainsi faite.
Je dis : mes amis, là bas, à la gare, du thé, des chaussettes.

Les jours se suivent.
Le temps a son néant.

Le fracas des corps.
Mesure t'on vraiment ?

J'ai marché. J'ai vu. Si la photographie est une main tendue, résistance contre les discours dominants.
Si la photographie est vitalité, énergie, et s'insurge et proteste. 
je veux témoigner de ces matins là, de ces jours là.

Ce sont des temps mauvais qui n'en finissent pas.
Leurs entrailles.
Leurs avenirs.

Aujourd'hui encore, on a eu mal au coeur.

De partout arrivent des gens qui aident.
heureusement.
J'ai pris du temps avec eux, le collectif Alors on aide.
Encore un peu de nos entêtements sublimes.

Merci à chacun pour sa résistance.

Click ci dessous pour d'autres moments de ce premier mai.