...
10 premiers jours passés à Calais.
A arpenter les camps, à arpenter les gens.
A marcher dans la boue, sur routes, trottoirs, friches.
A les côtoyer un peu, à parler avec eux
dés que possible
A rire avec eux, à les écouter, et
à parfois à rendre grâce : une présence rendue claire
par la photographie.
10 jours de proximité, d'effarement, de bégaiement
Souvent bien de la lumière mais aussi souvent
un grand dénuement,
et
la violence d'un accueil dérobé, volé, arraché par un Etat
qui a fait le choix du rejet et du sécuritaire.
Ici à Calais, l'intimidation est massive.
Les forces de Police se postent en face à face
avec les aidants, histoire de déployer
ce qu'il croit être un pouvoir.
Pouvoir de pacotille
Face à ceux qui luttent, résistent, témoignent
d'un autre rapport possible au monde.
Le rempart à la violence d'Etat est à l'oeuvre chaque jour ici.
Par l'aide, par la présence rendue entière, lumineuse ou affligeante.
J'espère et tente d'y contribuer à ma manière.
...
...
"Le monde et ses misères sont des régions de nous.
Faire pays de ce monde, richesse de ces misères, ce sont le nôtres.
Faire courage de ces peurs, ce sont les nôtres.
Faire rencontre des fuites et des terreurs, ce sont les nôtres.
Faire minaret de l’Asile, cathédrale du Refuge, temple de la Bienveillance, ce sont nos dignités.
Appliquer cette étendue à notre propre abondance, quelle qu’elle soit, quoi qu’elle craigne, voilà notre plus beau défi. Refuser de contempler ce qui vient du haut d’un trône sécuritaire, ou depuis les retranchements d’un ilet au trésor, c’est ici notre gloire. Organiser en pleine humanité nos irruptions dans l’irruption du monde, c’est notre humilité. Tout déverrouiller en soi pour mieux ouvrir en nous le sanctuaire de l’humain, c’est notre liberté. Négocier ainsi la crête d’une aventure, déjà vécue par tous, dont gardent mémoire les cheminements de notre conscience, c’est notre manière de demeurer vivants."
Frères migrants, Patrick Chamoiseau